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De tout (1901)



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REVUE BLEUE

7 décembre 1901

De tout, par J.-K. Huysmans. (Stock).


Il y a de tout, en effet, dans ce volume, et c’est merveille de voir comme, avec un égal soin et de semblables procédés d’art, J.-K. Huysmans y décrit des intérieurs de chapelles et de cafés, les savoureuses délices de la piété et celles, mêlées d’amertume, de tels apéritifs, par exemple. On ne peut évoquer d’une façon plus saisissante qu’il ne le fait le chant alterné de l’orgue et d’une voix frêle de nonne proférant le Kyrie Eleison : « le contraste est si violent de cette pauvre voix de linon que rien ne soutient et qui implore au travers de la grille, et de cette tempête majestueuse de l’orgue qui reprend à son tour la même plainte et l’amplifie, la roule et l’emporte sous les voûtes, que l’on souffre d’une sorte de malaise et de froid... » Et n’est-elle pas aussi d’une subtile et singulière justesse, cette distinction que Huysmans établie entre les apéritifs pris chez soi ou au café ; il faut qu’ils soient dégustés « devant une table à plate-forme, mal essuyée, de marbre ». Ils sont, au fond, de fâcheuses mixtures. Même « aiguisée par de l’anisette, assouplie par de l’orgeat ou de la gomme, devenue plus débonnaire par la fonte du sucre, l’absinthe sent quand même les sels de cuivre, laisse au palais le goût d’un bouton de métal longuement sucé, par un temps mou. » Néanmoins, elle « s’impose » au buveur, si elle est prise dans l’atmosphère spéciale et le mystère du café... Ce livre est curieux, amusant par la riche ingéniosité du vocabulaire, la sûreté de la méticuleuse analyse des plus diverses délectations...

[André Beaunier]