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L’Art moderne (1883)



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Polybiblion Revue Bibliographique Universelle.

Novembre, 1902.

L’Art Moderne, par J.-K. HUYSMANS, 2e ed., Paris, Stock, 1903, in-16 de 303 p., 3fr.50.


25. — De Watteau à M. Degas, le saut paraîtra rude aux esprit mal préparés, mais ils se trompent. Le fidèle imagier des petites danseuses d’opéra et de nos décors de boulevard a été certainement l’héritier le plus direct du peintre d’Arlequin et de Colombine, avant que son oeil fatigué et son goût épaissi l’eussent porté vers des réalités plus grossières ; et c’est le même désir de la lumière, le même sentiment des nuances aériennes qui firent la beauté de tant d’oeuvres de l’école impressionniste, malgré le choix trop souvent brutal du motif. On retrouvera avec plaisir les vifs échos des batailles d’autrefois dans le livre de M. Huysmans sur l’Art moderne, dont une nouvelle édition nous arrive. Ce sont tout bonnement les articles que le futur auteur de la Cathédrale, qui n’était non plus encore l’auteur d’A rebours, donna sur les SaIons, de 1879-1882. Ils sont plaisants, ces articles, et frappent souvent juste, même en frappant trés fort; leurs façons crues et acides ressemblent. vingt ans d’avance, à celles qui réjouissent les lecteurs de Durtal converti ; c’est la même cuisine d’images; seulement il y a plus de poivre. Cette critique si acerbe, enragée contre les mollesses d’académie, a parfois de singulières conclusions: elle exalte, au détriment des nobles décors de Puvis de Chavannes, les fausses et malsaines reveries de Gustave Moreau ; elle méconnaît quelques-unes des plus belles oeuvres de Claude Monet pour célébrer Gauguin et Raffaëlli; c’est l’apothéose du Salon des indépendants, en contraste avec le « Temple des Loques », où « le puisard souffle à pleines bouffées son odeur fade »; vous comprenez qu’il s’agit du Salon des Champs-Élysées. Et, malgré toutes ses outrances, cette critique est le plus souvent juste, et prophétique dans sa sincérité, et, près de certaines pages un peu rebutantes, vous découvrirez avec surprise les analyees les plus fraîches et joyeusement délicates des images enfantines de Walter Crane ou de Kate Greenaway.


ANDRÉ PÉRATÉ