vatard cover

Les soeurs Vatard (1879)



back

Polybiblion Revue Bibliographique Universelle.

Octobre, 1880.

J. K. HUYSMANS, Les soeurs Vatard, Paris, Charpentier, 1880, in-18 de 320 p.


1. — M. Emile Zola fait école, et les disciples du maître, qui ne l’égalent pas en talent, le dépassent de beaucoup en extràvagances ordurières, en folies naturalistes. Voici, par exemple, un belge, M. J. K. Huysmans, dont la plume dévergondée ne recule devant rien, pas même devant la description de ce qui se passe dans certaines maisons. Marthe, le premier livré de cet écrivain sans vergogne, est la cynique et brutale histoire d’une prostituée. Ce serait manquer de respect à nos lecteurs que d’analyser cette production obscène. Du mêmè auteur, nous avons les Soeurs Vatard, qui ne valent guère mieux, mais dont le sujet peut néanmoins s’âvôuer. Les deux Vatard, Céline et Désirée, sont brocheuses de leur état et coureuses de leur naturel. On les connaît dans le quartier pour leurs moeurs dissolues. L’aînée, la plus vicieuse, enseigne lé mal à l’autre, en des termes qui relèvent de la police correctionnelle, et qui ne provoquent autre chose qu’un rire bestial sur les lèvres du père Vatard, un abruti et un ivrogne. La plus vertueuse des deux soeurs finit cependant par se marier ; mais elle apporte à son mari une couronne qui n’est pas celle d’une rosière. Tout le roman réside dans ce fait divers. Pas d’action, pas d’intrigue: des tableaux réalistes, des moeurs populacières, des conversations écoeurantes, des drolesses malpropres que l’auteur, toute honte bue, voudrait nous faire accepter pour des femmes, des apostrophes de mauvais lieux reproduites dans un argot incompréhensible. M. J. K. Huysmans entre dans l’atelier de brochage des soeurs Vatard. Savez-vous ce qu’il y trouve ? Vous ne le devineriez jamais. Il y trouve « une insupportable odeur de houille et de gaz...une senteur forte de chèvres qui auraient gigoté au soleil, se mêlant aux émanations putrides de la charcuterie et du vin, à la puanteur rude des latrines, à la fadeur des papiers mouillés et des baquets de colle. » Inutile de poursuivre: les trois quarts du livre sont sur ce ton. De temps à autre cependant, l’auteur essaie de mettre de la poésie dans ses descriptions dégoûtantes, une poésie qui murmure sa chanson, le soir, dans les rues désertes, et par l’organe embaumé « d’une pissotière dont la bouche bouillonnée par la fleur du chlore chantonne doucement, éclairée par un bec de gaz. » Allons, c’en est trop. Que l’on nous ramème à Berquin, à Florian, à Madame Cottin, à Loïsa Puget, à la « Croix de ma mère, » et à tout son cortège de vieilles rengaines !

FIRMIN BOISSIN