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REVUE ENCYCLOPEDIQUE 1893.


J’ai connu de Maupassant par Alexis, qui l’amena, un soir, à un dîner où figuraient également Hennique et Céard. Depuis, nous nous revîmes chez Flaubert et chez Zola, qui aimaient beaucoup ce jeune homme si franc d’allures, si bon garçon et si gai.

Puis vinrent les Soirées de Médan, où il donna la perle du volume, son petit chef-d’oeuvre ‘Boule de Suif’; nos relations se serrèrent. Nous nous réunissons tous, Alexis, Céard, Hennique, Maupassant, mois, une fois par semaine, dans une extraordinaire gargote de Montmartre où l’on buvait un réginglat terrible. C’était execrable et c’était périlleux, mais je ne sais pas si, les uns et les autres, nous avons jamais si joyeusement mangé ! Maupassant était l’âme de ces fêtes. Il y apportait la bonne humeur de ses histoires cocasses, la bonne flanquette de sa gaieté, et, ce qui valait mieux encore, sous une apparence de je m’enfoutisme, une très cordiale et très sûre affection ; dans le monde des lettres, où les crocs sont sineux et dures, je ne connais pas un seul des amis de Maupassant qui puissse relever contre lui la moindre méchanceté, la moindre vilenie ; il est un des seuls auxquels on puisse rendre cette justice, sincèrement, nettement, sans même recourir à l’indulgent effor d’une amitié qui date.


HUYSMANS.