Le Monde Slave

XII année mars 1935

Paul Hartmann éditeur



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Huysmans et Przybyszewski (1)


Ce n'est pas sans hésitation que j'ai abordé cette étude de l'influence de Huysmans sur Przybyszewski. En effet pour de telles recherches, nous sommes souvent sans informations précises. Le seul argument vraiment définitif serait de pouvoir établir que, de son propre aveu, l'auteur étudié a été influencé par un autre écrivain. Cette déclaration controlée par une étude attentive es oeuvres serait une base sérieuse sur laquelle se pourrait élever une construction solide. Or, sauf pour l'époque humaniste où l'imitation était de règle et où un auteur ne s'élevait aux yeux de ses contemporains et de ses disciples que dans la mesure où il connaissait les oeuvres antiques et s'en inspirait, l'étude des influences est trop souvent privée de son élément capitale ; les auteurs modernes avouent bien qu'ils ont lu assidûment dans leurs jeunes années tel ou tel frère aîné de la littérature ; mais, dès qu'il s'agit de reconnaître une influence subie, c'est-à-dire de renoncer publiquement à une part de leur originalité, aussitôt la plupart protestent, nient, se hériseent même. La critique en est alors réduite à l'étude comparée des oeuvres et à des déductions nécessairement incertaines.

Przybyszewski agit comme la majorité des écrivains contemporains. Il nie farouchement avoir été influencée par les Allemands ou par les Scandinaves, excité peut-être à d'autant plus d'amertume en ses dénégations qu'on lui avait plus souvent reproché de s'être inspiré de l'un ou l'autre de ces écrivains. On se rappelle en particulier la virulence avec laquelle il sse défend d'avoir subi l'influence de Strindberg.

Il y a certes quelque outrance en ces dénégations. Przybyszewski, autant qu'on puisse juger, a subi l'actionde Nietzsche par exemple. Les Scandinaves l'ont aussi, quoi qu'il en dise, assez fortement touché ; de son propre aveu, Ola Hansson a enrichi sa personnalité, et l'ombre d'Ibsen plane sur son théatre.

Przybyszewski se défend aussi, mais avec mois d'âpreté d'avoir subi l'influence française. Il parle de l'impression que firent sur lui Les Misérables de V. Hugo ; il parle aussi de Barbey d'Aurévilly, dont il eut l'occasion à Berlin de lire toutes les oeuvres et qui l'intéressa tellement qu'il envisagea d'ajouter une autre étude à celles qu'il avait déjà consacrées à Chopin, Nietzsche et O. Hansson, et de la vouer à l'auteur des Diaboliques. C'est grâce à Mlle Néméthy qu'il fit la connaisance du « Connétable des Lettres  ». Mlle Néméthy était une dame de la haute société hongroise, que Przybyszewski avait connue chez l'écrivain suédois Ola Hansson, très lié avec les milieux littéraires français. Elle était admiratrice passionnée de Barbey d'Aurévilly, dont elle avait été l'inséparable amie pendant ses dernières années. Elle écrivait elle-même en français sous le pseudonyme de Jean de Néthy, et avait fait une bonne traduction de chants populaires hongrois, ce qui lui avait valu une mention honorable de l'Académie. Elle consacrait une grosse part de sa fortune à une édition de luxe des oeuvres complètes de Barbey d'Aurévilly. Aussitôt qu'elle eut fait la connaissance de Przybyszewski, elle lui envoya les neuf ou dix tomes de ces oeuvres et l'écrivain polonais s'enfonça pendant plusieurs mois dans leur lecture. Il leur dénie cependant toute influence sur lui-même. Voici ce qu'en disent ses Mémoires (Moi Wspolczesni wsrod obcych) :

« D'Aurévilly n'exerça point d'influence sur moi, et il ne pouvait en exercer : mon âme planait déjà depuis longtemps autour des sujets sur lesquels il avait fondé son magnifique recueil de nouvelles, Les Diaboliques. En revanche j'ai appris beaucoup de lui ; mais ce que j'appris, mon âme l'assimilé et « chopérisé  » tellement qu'il me serait difficile à moi-même de dire ce dont je lui suis redevable  ». (2)

Comme on le voit, cette dénégration n'est pas aussi absolue que les autres. Le ton de ses Mémoires deviendra encore plus affirmatif au sujet de Huysmans. (C'est à Huysmans, notons-le en passaant, qu'il est bon d'avoir recours pour faire comprendre au public de chez nous ce que fut le « cas Przybyszewski.  ») C'est encore par Mlle Néméthy que Przybyszewski connut Huysmans. Elle parlait beaucoup de lui et incita certainement son ami à lire les oeuvres du Français :

« Quelle volupté ce me fut  », nous dit-il dans ses Mémoires, « de trouver dans l'oeuvre d'un tel artiste la confirmation de mes propres intentions d'auteur. Je fis la connaissance du recueil d'admirabales critiques intitulées Certains, et surtout de son roman Là-bas. Et si l'on voulait à toute force que j'ai subi une influence, je pourrais indiquer Huysmans comme étant celui qui aurait agi le plus fortement sur moi et qui pendant quelque temps s'empara de mon âme : il put le faire uniquement parce que nos âmes étaient apparentées, car, dans la méthode même, s'ouvre entre nous un véritable abîme. En revanche les mêmes affections et les mêmes haines nous unissent.

« Et ici encore je ne pourrais dire en quoi cette influence se manifeste. Au premier coup d'oeil, il semblerait que Huysmans et moi nous soyons diamétralement opposés...condamnés à ne jamais entrer en contact l'un avec l'autre, et pourtant je ses nettement que c'est dans l'union profonde des pensées et des idées dures, inflexibles, fanatiques de Huysmans, que mon âme se trouve le plus à l'aise, et elle lui sourit d'un air d'intelligence, comme à un vieil ami tout à fait intime, quand un pessimisme effréné, brutal presque, célébre ses orgies dans son oeuvre.

« Enfin l'influence de Huysmans semble aussi ne se manifester que dans la facture artistique, dans la façon de comprendre le sujet, dans la technique de la langue. Seul, mon cerveau fut soumis à cette influence : mon âme ne s'écarta pas un instant du sentier qu'elle suivit dès le commencement  ». (3)

Il m'est impossible de prouver dans le détail la justesse ou l'inexactitude de ces déclarations. Il me faut rester dans les généralités après avoir pris note d'une affirmation aussi décisive que celle où Przybyszewski nous montre en Huysmans l'écrivain qui a agi le plus fortement sur lui et qui pendant quelque temps s'est emparé de son âme : « Ktory najsilniej na mnie oddzialal i ktory przez jakis czas mojq dusze opanowal  » (p. 119). Après une telle phrase, la cause nous parait entendue. Je voudrais essayer d'abord de compléter cette information en m'efforçant de préciser les traits communs aux deux auteurs et les points par où ils s'opposent ; puis tracer rapidement et clairement la courbe de leurs évolutions respectives.

Un sujet que Huysmans traita le premier en date dans A Rebours (1884), mais que Przybyszewski reprendra à plusieurs reprises pour son compte, est celui de décadent. Huysmans nous présente dans le des Esseintes d'A Rebours un type d'homme qui a peut-être existé dans les années 80 au deebut de symbolisme. C'est un homme que de pénibles eet aristocratiques hérédités, puis une fortune considerable, une culture désintéressé, anarchique, personelle, un abus remarquable de plaisirs raffinés, un goût curieux de l'artificiel ont complètement différencié d'une société qu'il a prise en horreur. Ce des Esseintes, auquel Huysmans a donné tout son dégoût de la société contemporaine, se retire dans une maison qu'il a spécialement aménagée et ornée pour lui-même et où il e livre dans un isolement presque complet, à la contemplation de quelque peintres, dessinateurs ou graveurs choiis (Luyken, Gustave Moreau, Odilon Redon, etc...), à la lecture d'écrivains de basse latinité et de poètes comme Edgar Poe, Baudelaire, Mallarmé... Cet isolement sédentaire le livre à la névrose, à d'indicibles tortures nerveuses, jusqu'au moment où un médecin l'oblige à quitter cette coque trop parfaite, trop ouvragée, pour rentrer dans le tourbillon de la vie de Paris, où Huysmans l'abandonne sans nous dire ce qu'il y adviendra de son héros.

Cette étude méticuleuse, bourrée d'érudites informations de notations précises de toutes sortes, a certainement beaucoup frappé le jeune Przybyszewski qui la lut au début de sa carrière et s'en inspira pour créer aussi deux types de décadents : l'un son Certain (4) de la Messe des Morts (Requiem Aeternam), l'autre son Falk de l'Homo Sapiens. Nous ne retrouvons dans ces deux personnages ni le raffinement ni l'erudition de des Esseintes, mais nous y revoyons sa tension nerveuse et sa complexité mentale. La Messe des Morts présente, dans ses quelque 70 pages, une étude minutieuse de la névrose dans laquelle Przybyszewski va jusqu'à voir un facteur de progrès (dépassant ainsi de bien loin Huysmans qui, sans doute, y voyait tout bonnement une redoutable maladie, parce qu'il n'était pas lui-même sans en souffrir).

Les oeuvres suivantes de Huysmans (qui évoluera dans le sens de la mystique catholique) et de Przybyszewski (dont beaucoup de personnages rappelleront la névrose du Certan de la Messe des Morts et du Falk de l'Homo Sapiens) ne présentent plus de points de contact aussi évidents. Mais les tendances générales de Przybyszewski et Przybyszewski lui-même nous rappelleront bien souvent les caractères observés chez Huysmans.

Deux caractéristiques principales unissent indissolublement les deux écrivains. La première, nous la trouvons dans une origine littéraire commune et une réaction commune contre cette origine. Huysmans et Przybyszewski sortent tous deux du naturalisme et tous deux lutteront violement contre l'esprit matérialiste, scientifique de cette école. Huysmans réagira contre elle dès 1884 avec A Rebours. Przybyszewski, plus jeune de vingt ans, réagira plus tard, en partie sans doute grâce à cet exemple de Huysmans, et surtout avec sa Messe des Morts qui, composée en 1893, porte nettement encore les traces du naturalisme par certaine affection pour l'horrible et le pathologique, mais manifeste une opposition décidée, sinon à la méthode naturaliste, à tout le moins à son esprit matérialiste. Huysmans et Przybyszewski resteront d'ailleurs naturalistes en bien des points ; ils décriront volontiers et avec une pénible exactitude ce qui est laid, horrible, criminel, monstrueux, abnormal, malade. Ils traiteront avec une particulière complaisance de la névrose (elle avait attiré l'attention des naturalistes qui y voyaient une dégénérescence normale).

La seconde caractéristique découle de la première, sans laquelle elle serait incompréhensible. On pourrait même dire qu'elle l'embrasse. Nous voulons parler de leur esthétique, mais en ce mot nous englobons la majeure partie de leur activité intellectuelle. Chez Przybyszewski en particulier l'esthétique a un arrière-plan métaphysique important ; quant à Huysmans, l'art est comme le pivot sur lequel il tourne pour se diriger vers le catholicisme. Il est chez l'un comme chez l'autre un puissant moyen d'expression et le chemin qui mène à l'Absolu.

Cette esthétique, chez Przybyszewski comme chez Huysmans, tient encore au naturalisme en ceci qu'elle s'oppose fortement à la Renaissance, au classicisme, à l'académisme eet à tout ce qui est officiel. Seulement, au lieu de se détourner simplement d'une certaine beauté convenue, régulière et de se diriger uniquement vers les plus modestes classes de la société qu'ils auraient décrites avec tout le pessimisme voulu, Huysmans, et à son exemple Przybyszewski, remontent en arrière jusqu'au Moyen Age qu'ils étudient d'ailleurs avec des yeux de naturalistes, et où ils se complaisent à l'observation de la laideur, du vice, du satanisme si florissant à cette époque, du satanisme surtout qui est comme la spiritualité du vice.

Mais nos deux écrivains ne s'arrêtèrent pas à cette spiritualité inférieure, ou du moins ne s'en contentèrent pas ; ils passèrent à une spiritualité plus élévée, telle qu'elle se manifestait dans les cathédrales gothiques, dans la peinture, la musique, la littérature mystiques. D'ailleurs tout deux relièrent très étroitement les deux spiritualités ; ils virent dans les cathédrales une manifestation complète de la mystique catholique et de son cliché négatif, la mystique satanique. Przybyszewski a souligné plus fortement que Huysmans le rôle de cet occultisme plus ou moins satanique dans l'église gothique et dans la vie des siècles passés. Il alla même jusqu'à se spécialiser dans les études d'occultisme démoniaque.

Ce goût pour toutes les mystiques fit qu'ils recherchèrent la spiritualité ailleurs encore que dans le Moyen Age. Huysmans la trouva dans le Greco, dans Goya, dans Baudelaire, Barbey d'Aurévilly, Félicien Rops, Odilon Redon, et fut certainement le prédécesseur et le guide du jeune Przybyszewski dans cette voie, de même que lui, Huysmans, s'inspirair de l'esprit de Baudelaire son maître, qui, dans toutes ces tendances fut le guide reconnu par de multiples générations de littérateurs.

Cependant il n'y a pas que des resemblances entre Huysmans et Przybyszewski. Ce dernier, s'il a subi incontestablement l'influence de Huysmans son aîné, s'est cependant écarté de lui sur plusieurs points importants.

Le premier sur lequel nous trouvons de notables divergences entre nos deux écrivains est le problème de la femme (qui tient d'ailleurs une grande place dans leur vie privée). Certes pour tous deux, la femme est d'abord l'occasion première de la perdition de l'homme, le vase d'iniquité, l'instrument capital dont se servit le Démon pour nuire à la race humaine. Ils soulignent avec complaisance le rôle important qu'elle jouait dans les pratiques sataniques, dans la sorcellerie. Mais là s'arrête la similitude.

Huysmans, qui fut toujours un misogyne convaincu et garda toute sa vie une âme de célibataire, accable la femme encore plus que les Pères de l'Eglise ne l'ont fait : sauf en quelques rares exceptions, il la trouvait stupide, dénuée de tout ce qui fait la grandeur de l'homme. Il subit certes terriblement son charme physique, mais il désira, comme des Esseintes, se détourner finalement tout à fait d'elle. Après sa conversion il la mit irrévocablement à la porte de ses pensées.

Pour Przybyszewski la chose est différente. Il nous semble d'ailleurs que son attitude vis-à-vis de la femme est plus juste que celle de Huysmans. Il voit en elle, non pas seulement l'ennemie de l'homme, comme Huysmans, non pas l'équivalente de l'homme, ce qui serait une sottise, mais le complément de l'homme. Pour lui l'homme et la femme sont souvent comme deux parts de l'�tre tragiquement désunies. Ils sont les deux fragments d'un vase brisé. L'amour essaie vainement de reconstituter cette unité ancienne impossible à retrouver. De là le flot de misères et de souffrances que, chez Przybyszewski tout particulièrement, l'amour amène avec lui. On voit tout de suite l'émouvant arrière-plan philosophique que Przybyszewski donne fréquemment à cet éternel conflit des sexes.

Il s'élève donc sur ce terrain beaucoup plus haut que le hargneux Huysmans. D'autre part il approfondit plus que lui la question esthétique. Pour lui l'art est la plus haute expression du tréfonds de l'âme ; l'art seul permet d'arriver à l'âme nue, à la naga dusza, c'est-à-dire au fond obscur, selon Przybyszewski l'essentiel de notre être ; l'art aura donc en lui seul sa raison d'être et vaudra pour lui seul. En ceciPrzybyszewski dépasse nettement Huysmans, qui a pu le guider surtout dans la choix des artistes qu'il admirait, mais n'a pas donné au problème cette ampleur qui déjà avait été atteinte par ailleurs en France avec Baudelaire.

Cette incontestable grandeur des idées de Przybyszewski, nou la retrouvons encore dans son amour de la nature, du paysage natale de la Grande Pologne, de la Kujavie, de la mer. Huysmans oppose à la nature l'art, que dans A Rebours il semble parfois identifier avec l'artificiel. Il voit dans l'art une revolte contre la nature, considérée comme plate et usée. Il reste enfermé dans son logis ou dans sa cathédrale, et le plus souvent on a l'impression que pour admirer la nature il a besoin de la voir à travers un vitrail, ou à travers les symboles liturgiques. Il a finalement acquis un tel sens de l'au-delà et d'un monde supérieur qu'ilne voir plus le monde qui nous entoure, ou ne le voir qu'en fonction de ce monde supérieur. Il y a certes une grande beauté dans cette conception, à laquelle Przybyszewski ne semble pas avoir été très sensible. Nul plus que lui n'a eu au contraire la compréhension de la mer, du vent, des forces naturelles, du paysage natal, toutes choses auxquelles Huysmans n'arrive que par le truchement de l'art ou de la mystique, et comme accidentellement.

Comme il était sensible aux forces élémentaires de la nature, Przybyszewski le fut aussi à celles de la liturgie polonaise et du catholicisme polonais. L'admirable chant du Swiety Boze, swiety mocny (Dieu sacré, Dieu tout-puissant), l'a remué jusqu'au plus profond de son être. Huysmans, pour être ému, avait ordinairement besoin d'une liturgie plus savante, plus nuancée, celle du plain-chant qui, quoi qu'on en dise, est l'art admirable et savant d'un clergé, mais non pas de l'art d'un peuple, sauf en de rares occasions.

Enfin si Huysmans, poursuivant son évolution, est arrivé à un très noble mysticisme, il a rarement atteint ce que l'auteur de L'Imitation considère comme la plus haute perfection : la charité. Il a conservé toute sa hargne, toute sa dureté d'homme aigri et que Przybyszewski lui-même n'a pas hésité à qualifier de « fanatique  ». Przybyszewski a commis de lourdes fautes et s'est rendu coupable de bien des faiblesses ; souvent il nous rappelle le pauvre Verlaine. Mais cet homme capable de donner tout ce qu'il possédait à un ouvrier polonais qui chantait une mélodie de son village dans une rue de Munich, cet homme-là me semble avoir été plus loin que Huysmans dans la voie de la charité, ou tout simplement dans la voie de la pitié humaine.

Pour conclure, voici comment nous pourrions résumer notre étude. Il y a, comme nous l'avon vu, un point de départ commun aux deux écrivains ; tous deux ont des conceptions esthétiques semblables ; et Przybyszewski nous atteste l'importance que Huysmans eut pour lui au début de sa carrière.

Mais, comme j'ai essayé de le montrer, les deux écrivains évoluèrent ensuite indépendamment l'un de l'autre, en des directions diverses. Très tôt leurs conceptions se différencient et Przybyszewski prend peu à peu des traits plus individualisés.

Il serait d'ailleurs inexacte de laisser à Huysmans tout l'honneur d'avoir fécondé l'oeuvre du jeune Polonais et de l'avoir encouragé à suivre la voie où il s'engagea. Toutes ces idées ur l'art, le satanisme, le gothique, la religion, étaient éparses dans l'atmosphère de l'époque. Huysmans ne les avait pas créés de toutes pièces ; il les a systématisées, ou plutôt précisées. Derrière Huysmans et se idées nous trouvons un plus grand que lui, nous trouvons Baudelaire. Le rôle de Huysmans auprès de Przybyszewski fut peut-être surtout de lui rendre plus assimilables les fécondes idées défendues par le poète des Fleurs du Mal.

En toute cas, cette influence de Huysmans me semble avoir été très forte, et on me pourrait la comparer en intensité qu'à celle de Dostoïewski auquel les Mémoires consacrent aussi des lignes que je regrette de ne pouvoir citer.

Je regrette aussi d'avoir dû borner mon étude à l'influence de Huysmans sur Przybyszewski. J'aurais voulu montrer que Przybyszewski n'avait pas seulement subi des influences, mais qu'il en avait exercé de profondes, notamment en Tchécoslovaquie et en Russie. Le temps m'a manqué pour réaliser cette ambition. Je m'excuse de devoir me contenter de mentionner cette action de Przybyszewski. Elle eût cependant mérité qu'on l'étudiât longuement.


Maxime HERMAN.


(i) Communication faite au congrès des slavistes à Cracovie, en septembre 1934.

(2) Ouvrage cité, p. 118.

(3) Ouvrage cité, p. 119-120.

(4) Ce nom a été emprunté par lui au recueil de critiques de HUYSMANS : Certains (1889).