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J.-K. Huysmans et les Pères salésiens

Léon Deffoux

Paris: Mercure de France

1920


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C’est une plaquette plutôt qu’un livre: quatre-vingt pages in-douze de format allongé sous une couverture de couleur vert-bouteille. Elle fut composée et imprimée dans des circonstances assez particulières et qu’il peut être intéressant de rapporterpour les nombreux bibliophiles, amateurs de J.-K. Huysmans, qui recherchent vainement ce petit ouvrage.

Rien qu’à son aspect extérieur, on voit qu’il s’agit d’une plaquette de propagande pieuse; cette impression se précise lorsque, en feuilletant rapidement l’opuscule, on y découvre une quinzaine d’illustrations, d’un dessin hésitant, soulignées de naïves légendes, telles qu’on en trouve au bas des estampes de la maison Pellerin ou dans le « jardin des vertus » de de nos vieux almanachs:


Jean Bosco enseigne le catéchisme à ses petits camarades et leur répète le sermon du curé. — Le petit Jean Bosco demandant une correction à maman Marguerite. — Don (1) Bosco, à l’âge de neuf ans, voit en rêve sa mission. — Don Bosco passe sa main sur les yeux d’un petit aveugle et le guérit. — Don Bosco convertissant son assassin. — Un bon curé, touche jusqu’aux larmes du bien que Don Bosco vient d’opérer dans sa paroisse, se jette aux pieds du serviteur de Dieu. — Don Bosco défendu par le chien il Grigio. — Don Bosco, mourant, recommande son Institut à son Eminence le cardinal Alimouda, archevêque de Turin, etc.


Le texte de J.-K. Huysmans s’efforce, sans y parvenir toujours, de se maintenir dans cette qualité d’émotion pour imagerie pieuse. L’auteur d’A vau l’eau avait alors beaucoup atténué son âpreté caricaturale. Tout au plus se permettait-il, dans son humilité de pécheur repenti, de souligner parfois d’une plainte drôlatique l’exposé de ses misères personnelles. Certaine phrase d’une lettre écrite à Dom Du Bourg, après la publication d’En Route (1895), est typique à cet égard : « Si vous voulez bien, dit Huysmans, demander à la Sainte Vierge qu’elle me protège et m’empêche d’avoir des ennuis au Ministère, vous me rendrez un bien grand service. » Son Esquisse biographique sur Don Bosco (1902) contient des élans de ce genre, mi-navrés, mi-comiques (2). Quelques truculences, quelques trivialités involontaires égayent encore, de-ci, de-là, le style, lui donnant cette saveur exaspérée si plaisante dans les premier livres d’Huysmans et qui allait s’éteignant dans les derniers. En somme, un ouvrage très caractéristique du Huysmans dernière manière que cette apologie du thaumaturge, dont la vie apparaît à l’écrivain catholique comme la traduction peinte de l’Agnus redemit oves de la prose de Pâques.

C’est aussi, ajoute-t-il, la translation, en la langue des images, du songe que Don Bosco eut dans sa jeunesse et qui prépara sa vocation de dompteur de petits démons, de pâtre de petits anges.


*

Conformément aux décrets du pape Urbain VIII l’auteur déclare qu’en attribuant au héros de cette biographie la gratification de bienheureux ou de saint, il n’a nullement l’intention de « préjuger les decisions infallibles de la sainte Eglise dont il restera toujours, avec gloire, le fils bien soumis. »

Telle est la note que l’on trouve tout d’abord au verso du faux-titre (3). Puis, à la page suivante, sous un dessin représentant une hirondelle, les ailes étendues, se lit, en maniére de préface, le sonnet suivant de François Coppée:


A JORIS KARL HUYSMANS POUR SA BIOGRAPHIE DE DON BOSCO
Lisez, ces faits récents n’ont rien d’une légende,
Des enfants du ruisseau — pour demain des pervers — 
Virent un Saint venir vers eux, les bras ouverts,
Et furent bons et purs, comme Dieu le commande.

L’homme est mort, mais toujours plus féconde et plus grande
Et vivant des seuls dons par les chrétiens offerts,
Son oeuvre a rayonné sur le vaste univers.
Lisez. Est-ce un miracle ou non? Je le demande.

Jadis, du tablier de sainte Elisabeth,
C’était une moisson de roses qui tombait.
Aujourd’hui Don Bosco, qui, d’abord, dans les fanges,

Ramassa les petits vagabonds de Turin,
Voit s’envoler, devant le Juge souverain,
De sa vieille soutane une légion d’anges.

FRANÇOIS COPPÉE.
Le 17 juin 1902.

La date mise par Coppée au bas de ce sonnet est celle de la publication de la plaquette, laquelle fut imprimée, ainsi qu’on peut le voir au verso de la couverture, à l’Ecole typographique de Don Bosco, et porte, comme nom d’imprimeur, page 80: Imprimerie J. Bologne, 29, rue du Retrait.

Quelle était cette « école typographique » installée dans ce coin quasi-provincial de Ménilmoiitant? Quelle était cette imprimerie J. Bologne? Et enfin, comment Huysmans fut-il amené à écrire la biographie de Don Bosco?


*

A cette dernière question l’auteur de l’Esquisse biographique répond lui-même, mais de façon incomplète, dans les pages que nous avons sous les yeux.

Huysmans raconte qu’à diverses reprises, certains jours de grande fête, il avait vu arriver, chez les Bénédictines, au monastère de Saint-Louis-du-Temple et du Saint-Sacrement, rue Monsieur, où il s’était installé pour quelques semaines, après avoir quitté Ligugé, une petite troupe d’enfants conduite par un ecclésiastique. Ils disparaissaient dans la sacristie et revenaient vêtus en enfants de choeur pour assister, dans les cérémonies de la chapelle, les prêtres officiants.


J’avais été chaque fois, dit-il, saisi par l’humble piété de ces petits et par l’aisance avec laquelle ils évoluaient, an moindre signe du cérémoniaire, devant l’autel; ils avaient été évidemment très bien dressés. Je demandai quels étaient ces enfants. — Mais, me fut-il répondu, ce sont les Salésiens, les fils de Don Bosco; ils viennent de Ménilmontant, où ils habitent, ici.


Sur ce, Huysmans, toujours en quête d’histoires édifiantes, se renseigna.

Il apprit que le thaumaturge Jean-Melchior Bosco, né le 16 août 1815, au bourg de Murialdo, dans la commune de Châteauneuf d’Asti, près de Turin, avait fait ses études au séminaire de Chieri et avait été ordonne prêtre, à Turin, en 1841. C’est au cours d’une mission dans la prison de cette ville que Don Bosco « avait vu clair en lui. »


— Parmi les captifs, raconte Huysmans, figuraient un grand nombre de petits voleurs et de petits vagabonds, enfermés par autorité de justice et qui achevaient de se taler et de se pourrir, les uns contre les autres, en ces tristes lieux. Don Bosco se rappelait alors un songe qu’il avait eu dans son enfance, une vision d’animaux sauvages qui hurlaient et s’entre-déchiraient, tandis qu’une voix mystérieuse lui disait : « Prends ta houlette et mène-les paître. » Il avait obéi, et tous ces animaux s’étaient transformés en de paisibles brebis.


Don Bosco comprit toute la signification de son rêve, lorsqu’il franchit le seuil de l’ergastule de Turin. Il n’eut plus aucun doute sur la nature de son apostolat, et c’est pour venir en aide à l’enfance abandonnée qu’il fonda, dans le monde entier, en faisant appel à la charité privée, en multipliant ce que Huysmans appelle les « miracles pécuniaires, » des patronages, des orphelinats, des écoles professionnelles et qu’il créa, pour la propagation de son oeuvre, cet ordre qu’il plaça sous le patronage de saint François de Sales et qui groupa bientôt des milliers de prêtres (4).


*

Par son voisin et ami François Coppée Huysmans apprit encore que les Salésiens étaient campés et bivouaquaient sur toute la terre. Ménilmontant — plus exactement la fondation située dans le quartier du Père Lachaise, 29, rue du Retrait, — n’était qu’un point minuscule de leur espace. Il résolut de connaître au moins ce point. Accompagné de Coppée, il s’en fut, un jeudi après-midi, visiter l’orphelinat, cet « Oratoire salésien Saint-Pierre-Saint-Paul », d’où venaient les enfants qu’il avait remarqués aux offices chez les Bénédictines.

Ce qu’il vit là, Huysmans ne nous le dit pas dans sa brochure purement apologétique, mais nous avons pu le reconstituer, car nous avons visité nous-même, à la même époque que J.-K. Huysmans, cette maison, ses ateliers, son école typographique et son imprimerie, que le supérieur des Salésiens de Ménilmontant, le Révérend Père J. Bologne, ne dédaignait pas de surveiller en personne et à laquelle il donnait son nom.


*

Ménilmontant, Huysmans connaissait déjà ce quartier. Il y était venu pour la première fois en 1875 et, dans ses Croquis parisiens il avait noté que « pour les gens qui haïssent les bruyantes joies retenues toute la semaine et lâchées dans Paris le dimanche; pour les gens qui veulent échapper aux fastidieuses opulences des quartiers riches, Ménilmontant sera toujours une terre promise, un Chanaan de douceurs tristes. »

Il avait alors décrit « la navrante et interminable rue de Ménilmontant » et s’était promené longuement rue de la Chine (c’était alors une sorte de sentier bordé de haies) en laquelle il avait salué « un havre imploré par les âmes endolories qui ne demandent plus qu’un bienfaisant repos loin de la foule. »

Il dut retrouver une partie seulement de ce sensations lénitives rue du Retrait, en 1902.

Cette voie est parallèle à la rue de la Chine, cent mètres plus bas que celle-ci, sur la butte, entre la rue des Pyrénées et la rue Boyer, non loin de l’Ermitage construit pour la marquise de Pompadour et dont un bâtiment de style grec subsiste encore dans le jardin de l’hospice des soeurs de Saint-Vincent de Paul (5).

Au milieu de la rue de Retrait, une croix, surmontant une porte à un seul battant peint en marron, indiquait l’entrée de l’Oratoire salésien.

Sans dégager la poésie de la fameuse porte du Petit Picpus décrite par Hugo, celle-là n’en avait pas moins quelque caractère singulier à cause de son exiguïté et du judas en for dont elle était percée. Lorsque, après un bon moment d’attente, cette porte s’ouvrait au visiteur, une sonnette placée derrière le battant faisait grand bruit à quoi répondaient, de proche en proche, dans le vaste enclos, d’autres sonnettes comme autant d’appels avertisseurs. En somme, dans ce quartier d’opinions révolutionnaires, un pareil endroit ne manquait pas de pittoresque.

Mais, ce qui conduisait Huysmans en 1902 ce n’était plus, comme en 1875, le seul goût du pittoresque, la curiosité du promeneur. Il se sentait maintenant une mission d’ordre moral; il consacrait cet après-midi à l’étude de l’oeuvre pour la défense de laquelle l’ami qui lavait amené jusqu’ici avait sollicité son concours. Le pittoresque de l’établissement, non plus que certaine odeur d’usine et de réfectoire qui flottait dans les locaux, retinrent donc peu son attention. Ni Coppée, ni lui ne s’attardèrent à considérer la topographie des lieux. A peine remarquèrent-ils la singuhère déclivité du terrain, l’étagement des bâtiments — ateliers, chapelle, dortoirs, théâtre, infirmerie, habitation du Supérieur et du Préfet (6) — jusqu’à la rue Boyer.

On pense bien que de tels visiteurs étaient attendus. Le R. P. Bologne, Supérieur, et le Père Pauc, préfet de l’Oratoire, leur firent les honneurs de la fondation. Le premier était un homme très brun et de forte corpulence; sa politesse était extrême et se teintait parfois d’italianisme.

Le père Pauc était d’aspect plus sévère et parlait peu. Tous deux étaient coiffés d’une haute barrette à quatre cornes; leur robe était semblable à celle de tous les prêtres de la communauté.

La visite commença par les bureaux situés à gauche; on passa rapidement à la Chapelle, qui était sans caractère on traversa le théâtre, où un groupe d’enfants — un patronage d’externes — répétait du Labiche ; et l’on termina par les dortoirs et les ateliers installés sur un rez-de-chaussée et un étage dans des bâtiments neufs (7). Le Père Bologne donnait les explications sur le fonctionnement de l’oeuvre.

Les cent cinquante enfants élevés par charité dans l’établissement y apprenaient un état: mécanicien, tailleur, cordonnier, serrurier, menuisier, typographe ou relieur. Pendant la période d’apprentissage, qui allait de trois à cinq outs, une gratification de 10 0/0 leur était atiribuée sur un rendement quotidien moyen de six francs au minimum. La moitié de cette gratification, soit trente à cinquante centimes par jour, était remise à l’apprenti, l’autre, portée à la niasse, n’était acquise qu’au sortir de l’apprentissage. Les métiers étaient enseignés soit par des professeurs, soit par des prètres sortis du rang et restés par vocation dans l’établissement.

L’imprimerie occupait dans les ateliers, au rez-de-chaussée, la plus grande place; elle avait sa rotative Marinoni et plusieurs machines à pédales. Une trentaine d’apprentis étaient occupés à la composition et au tirage de revues périodiques, de journaux, de livres classiques et de brochures de propagande.

Au rez-de-chaussée et au premier étaient aussi répartis les ateliers des menuisiers, où se fabriquaient des meubles pour le faubourg Saint-Antoine; les ateliers des tailleurs, où se confectionnaient les vêtements ecclésiastique, les costumes pour le personnel de la maison et aussi pour différents grands magasins etc. Les cordonniers travaillaient pour l’ouvre et pour des entrepreneurs, ils fabriquaient jusqu’à des ballons de foot-ball; les serruriers exécutaient des grilles pour les églises et les propriétés privées, etc.

Partout une discipline sévère était observée et le silence absolu imposé pendant les heures de travail. La monotonie des exercices religieux était réduite au minimum; les Pères répartissaient la besogne ou surveillaient les ateliers; il n’était pas de gens plus occupés que les Salésiens et leurs élèves. En les observant, Huysmans eut pu se rappeler le célèbre passage d’A Rebours, dans lequel il évoquait « les monastères métamorphosés en usines, les grands livres de commerce posés sur des lutrins et les moines courbés sur des inventaires et des factures. »

Mais, en 1902, Huysmans n’observait plus qu’en rapport de ses convictions. Il fut conquis par ce qu’il appela « le côté débrouillard et habile » dans la bienfaisance des continuateurs de Don Bosco, bien dignes, en cela, du fondateur de l’ordre.

Jusqu’à sa mort, survenue, en janvier 1888, Don Bosco, homme fort entendu en affaires, n’eut-il pas toujours à batailler, toujours à renouveler ses trouvailles d’ingéniosité, surtout dans la recherche d’un gîte pour lui et ses jeunes ouailles, qu’aucun propriétaire ne voulait tolérer! Et, à ce propos, Huysmans observe que si, « comme il sied de l’espérer, Don Bosco est un jour canonisé, il est vraiment tout désigné pour être le patron des locataires. Ceux-ci pourront, en effet, l’invoquer, mieux que tout autre, pour tâcher de découvrir des propriétaires généreux et indulgents et de vivre, une fois installés chez eux, sans crainte des congés, en paix. »


*

En paix, les Salésiens l’étaient peu lorsque Coppée et Huysmans leur firent visite.

Le gouvernement de M. Emile Combes, après celui de Waldeck-Rousseau, avait conclu contre eux au refus d’autorisation. L’exposé officiel des motifs de ce refus prétendait que l’examen des listes du personnel salésien y révélait la prédominance de l’élément étranger. Les Pères, s’il fallait en croire cet exposé, se livraient, sous prétexte de charité, à l’exploitation de l’enfance et de la crédulité publique; les orphelins étaient alimentés par des pensions que payaient soit les familles, soit des personnes charitables, soit encore le travail des enfants; les conditions d’hygiène et de salubrité des ateliers étaient déplorables; non seulement l’enfant y était surmené, mais, de plus. il était spécialisé à tel point, qu’une fois sorti, il ne connaissait en réalité aucun métier; grâce à la gratuité de la main-d’oeuvre, à la quantité de travail produit en raison de la spécialisation à outrance, aux avantages fiscaux que les Salésiens tiraient de leur caractère d’association charitable, ils pouvaient soutenir une concurrence dont souffraient les industriels et commerçants leurs voisins, etc., etc. (8).

Le réquisitoire gouvernemental se terminait par cette phrase : « Tour à tour imprimeurs, éditeurs (et quels éditeurs, toutes leurs publications sont rédigées contre nos institutions), marchands de vins, de liqueurs, de produits pharmaceutiques, leur action économique est néfaste. »

Contre ces accusations, Coppée devait, par la suite, protester dans le Gaulois (12 janvier 1903) (9). Mais tout de suite après la visite à Ménilmontant, il avait sollicité et obtenu la collaboration de J.-K. Huysmans pour la défense des religieux menacés. L’imprimerie J. Bosco établissait, quelques semaines plus tard, l’Esquisse biographique sur Don Bosco, par J.-K. Huysmans; cet ouvrage, tiré à un millier d’exemplaires, était destiné, dans la pensée du Père supérieur, à être offert seulement aux bienfaiteurs des Salésiens.

Cependant les menaces se précisaient de jour en jour contre les congréganistes. Les expulsions se faisaient de plus en plus nombreuses. On se rappelle les plaintes de l’Oblat Durtal à ce sujet : « ...les tristes journées et les plus tristes nuits commencèrent. Les stalles des religieux au choeur se vidaient... » (10)

Pour les Salésiens, c’était aussi le désarroi, la fermeture des ateliers et l’exil.

A partir de 1903 et jusqu’en 1906, par petits groupes, ils quittèrent la France, les uns rejoignant la maison-mère de Turin (11), les autres s’établissant en Espagne, en Belgique, en Angleterre et jusqu’au Brésil et au Chili.

La plupart des exemplaires de la plaquette rédigée par Huysmans furent alors dispersés avec les Pères, et cela explique que cet ouvrage soit devenu aujourd’hui une rareté de librairie.


LÉON DEFFOUX.

(1) Ce titre est ainsi orthographié à toutes les pages de la plaquette.

(2) Parlant de Don Bosco confesseur, J.-K. Huysmans montre le vieux prêtre prenant doucement par le col celui de ses pénitents qui a terminé son examen : « Il l’enveloppait de son bras gauche, dit-il, et appuyait la tête de l’enfant sur son coeur; ce n’était plus le juge, mais le père qui aidait son fils dans l’aveu souvent sï pénible des moindres fautes... »

Huysmans eût souhaité pour lui pareille douceur, pareille miséricorde:

« Il serait singulièrement doux, pour des convertis, qui ont à renverser d’un coup leur existence aux pieds d’un prêtre, d’être ainsi adjucés, d’être ainsi choyés; ce ne serait peut-être pas assez rigoureux, assez pénitentiel pour les récidivistes des hontes, mais cri ne peut s’empêcher de croire tout de même que ce serait vraiment bon. »

(3) Huysmans avait déjà pris semblable précaution lorsqu’il avait écrit, dans l’avant-propos de Sainte Lydwine de Schiedam (1901) : « Dans ce volume, au cours duquel défilent les noms d’un grand nombre de célicoles, les expressions ’saint’ et ’sainteté’, ’bienheureux’ et ’vénérable’ ne sont parfois employés que d’une manière relative et non dans le sens rigoureux que leur assignent les décrets du pape Urbain VIII; il n’y a donc pas à attribuer une signification absolue à ces termes lorsqu’ils n’appliquent à des personnages dont la beatification on la canonisation n’ont pas été officiellement proclamées par les pouvoirs sans appel de Rome. »

(4) Don Bosco thaumaturge. — « Nous savons par ses historiens, écrit Huysmans, qu’il multiplia les pains, guérit, par la vertu de ses prières, des malades, qu’il lut dans les àmes, qu’il prophétisa, qu’il fut un agent de miracles eu un mot. » Les ’historiens’ de Don Bosco vont plus loin. Il en est qui, parlant d’une certaine visite que Victor Hugo aurait faite, deux ans avant sa mort, à Don Bosco, représentent celui-ci comme ’l’agent de la conversion’ du grand poète. Hugo aurait dit à Don Bosco à l’issue de cette visite : « J’espère mourir entre les mains d’un prêtre catholique qui recommande mon esprit au Créateur. » Cette parole est formellement contredite par la phrase bien connue du testament d’Hugo en date du 2 août 1883 : « Je refuse l’oraison de toutes les Eglises, je demande une prière à toutes les âmes. Je crois en Dieu. » — Aussi, malgré toute sa bonne volonté, Huysmans n’a-t-il pas cru devoir recueillir cette légende dans son essai sur Don Bosco. — Voir, au sujet de la prétendue visite de Victor Hugo à Don Bosco, La Croix du 22 juin 1920.

(5) Ce bâtiment fut occupé de 1750 à 1789 par le comédien Favart.

(6) L’habitation du Supérieur et du Préfet — un pavillon de deux étages — avait été construite pour le docteur Déclat sous le Second Empire. Lorsque les Salésiens s’installèrent là, ils ne trouvèrent que cette construction. Leur première messe fut célébrée en plein air, le 1er décembre 1877.

(7) Aujourd’hui repris psr une fabrique de cartonnerie. Les autres bâtiments ont été soit détruits, soit completement transformés.

(8) Résumé de l’Exposé officiel des motifs concluant au refus d’autorisation.

(9) Coppée ouvrit dans le Gaulois, au bénéfice des Salésiens, une souscription qui, en quelques jours, produisit une somme de 37,374 fr. 50 (Gaulois du 2l juillet 1903).

(10) On sait que Huysmans avait été lui-même fort désorienté par la loi qui expulsait les moines bénédictins de Ligugé chez lesquels il résidait alors. Ce que je vais faire, écrivait-il, le 3 août 1901, à un ami, je n’en sais encore rien. Voilà encore un nouveau tournant de vie à franchir et ce que je suis las! Je voudrais pourtant bien être assis, mais le Céleste Ebéniste ne fait plus hélas que des meubles qui se décollent dès qu’on s’y pose. Les Bénédictins parlent en Belgique, à la fin de septembre. Ma première idée avait été de retourner à Paris, y passer l’hiver et d’aller les retrouver au printemps. Mais le Père abbé et le chapitre voudraient, pour qu’il n’y ait pas interruption du culte de saint Benoît et de saint Martin et arrêt d’offices, que je reste avec cinq ou six moines qui résideraient ça et là chez les uns et chez les autres; ce serait une petite communauté de Pères et d’oblats. Tout cela est-il, avec cette odieuse loi, possible? (Lettre inédite).

Ce ne fut pas possible et Huysmans dut se résigner à s’installer de nouveau à Paris.

(11) En Italie, les Salésiens ont repris toute leur influence. Le pape Benoît XV s’est fait représenter parle cardinal de Séville à leur congrès tenu en mai 1930 et, le 24 du même mois, à l’issue du congrès, un monument à Don Bosco a été élevé à Turin.