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Ombres dans ’La Cathédrale’
René-Louis Doyon
Paris: Les Livrets du Mandarin
1935.

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OMBRES DANS LA CATHÉDRALE
(Notes et concordances dans une oeuvre de Huysmans)

A mon ami Paul MARTEAU.

Si Joris-Karl Huysmans n’a pu encore faire l’objet d’une biographie complète, il a du moins inspiré, tant pour ses livres parisiens que pour ses livres de caractère mystique, des monographies nombreuses et successives dont la courbe commencerait au point clairvoyant et inégalé que reste Remy de Gourmont, pour s’achever provisoirement aux précieuses recherches de Léon Deffoux, avec des saillies étincelantes dans Lézinier de Langlade et des détails pittoresques dans le Bulletin de la Société J, K. H.; il faut même tenir pour véridiques les pages anecdotiques, personnelles et contournées (quoique mises en doute), d’Aubault de la Haute Chambre. Pour les éloges, études, panégyriques, analyses et critiques, leur ensemble copieux et divergent prouve quelle place occupe dans la littérature d’hier l’auteur d’A Rebours. Si Huysmans ne demeurait pas un type symptomatique, si sa personnalité n’avait offert la fois autant d’aspects contradictoires et de curiosité sympathique, enfin si son labeur littéraire ne demeurait pas, dans ses tendances variées, un ensemble singulier, marqué d’une certaine unité d’expression et de composition, l’homme n’aurait pas requis tant d’attentives recherches, l’ouvre sollicité une exégèse, une critique aussi soutenue. Leur résultat concourt maintenir et accroître la société des lecteurs.

Qu’on ait surpris Huysmans en quête de raffinements dans la charnalité puis dans la mystique, qu’on le retrouve réaliste jusque dans la plus haute mysticité, acide jusqu’en des épanchements religieux, critique en éveil dans le renoncement comme dans la foi, et nordique sous tous ses aspects, telles projections de sa psychologie, loin de diminuer sa personnalité, ont éclairé un peu mieux son complexe et plus fortement établi l’économie de ses constructions littéraires. Sans doute, on a révoqué en doute quelques-unes de ses piquantes monographies et répudié certaines dont les documents artistement et sommairement uti-lisés conduisaient à de superficielles ou trop formelles déductions. Des garnisaires scrupuleux ont toujours veillé à la destruction de lettres dont les confidences et les audaces eussent dérouté les biographes; sage prévision extrême de leur auteur, pudique tant sur ses débordements épistolaires que sur ses errements. On est privé ainsi et de surcroit d’une abondante correspondance mystique non détruite. Ce qu’ont perdu ainsi les interrogateurs de Huysmans se complète tant bien que mal grâce aux monographistes les plus divers, et il faut se garder de négliger les uns et les autres. Ainsi, par le fait que le débonnaire Aubault s’affligeait de prénoms trop riches, de particules élevées et que personne ne l’avait rencontré chez Huysmans, on a taxé ses souvenirs d’invention romanesque, au risque même de consacrer prodigieuse une imagination qui paraît simplement se souvenir. Le noble Lézinier non plus, n’avait laissé à personne le souvenir de son amitié et de ses rencontres avec Huysmans; or, il a écrit les évocations les plus vraies et les plus émues sur l’auteur de Là-Bas.

On a fort bien exploré le Huysmans quittant l’école réaliste et partant à travers les mystagogies singulières jusqu’à un piètisme scrupuleux et inquiet. A Rebours est une date de départ. Le symbolisme qui est né en 1885 la mort du père Hugo, eut bientôt une de ses plus singulières entités. Huysmans atteint à cette aube le sommet de sa course d’expériences, de profits, sinon de recherches. L’on est peu riche sur les moyens d’informations de Marthe, de A Veau l’eau, par exemple; on va l’être davantage sur les constructions suivantes. M. Folantin, discret et ponctuel fonctionnaire, d’humeur insatisfaite et changeante, peureux, défiant, s’assagit; sa gourmandise se satisfait plus difficilement; le célibat lui pèse; cependant il demeure armé contre l’amour des femmes, des femmes de lettres surtout. Durtal est mûr pour les expériences métaphysiques et pour les gustations mystiques. Son imagination va enfanter la réalité du Diable pour lui imposer la nécessité des dictames religieux; c’est moins le philosophe spéculatif qui cherche que l’artiste mystique qui trouve en lui d’abord une inhibition catholique, puis une opposition formelle aux tendances scientistes de son temps, enfin une concordance entre ses concepts, son appétit de certitudes et ses moyens d’adaptation à un catholicisme qu’il voudra médiéval plutôt que primitif; toutes ces conjonctures le conduisent au catholicisme et il y a moins conversion qu’évolution générale esprit, âme et corps.

L’écrivain réaliste va servir au néo-chrétien; c’est moins qu’un imaginatif; un observateur patient, un client sérieux du document, un sertisseur de trouvailles, un enlumineur de petits textes et de petits faits que son art de poète grandit, éclaire et parfois illumine.


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Rien n’est plus caractéristique de la méthode, de la construc-tion, du procédé littéraire de Huysmans, que l’analyse de La Cathédrale: on ne va pas ici prétendre à dépasser, mais à rejoindre par les à-côtés la magistrale, l’intelligente étude de Remy de Gourmont. On aime à surprendre Huysmans dans son laboratoire, compulsant ses documents, condensant et sollicitant des textes, sans souci prédominant du romanesque, court dans le lyrisme et arrivant, avec un matériel d’érudition plus ou moins exacte à créer une atmosphère, à intéresser à la psychologie d’un héros sans éclat et sans cri, à le situer dans un cadre et en compagnie d’ombres; tout, par cet art, crée magiquement du possible, du réel, du familier. Si l’on oppose La Cathédrale, oeuvre d’art, d’analyse, chef-d’zuvre d’atmosphère religieuse, créée plus qu’existante, à Notre-Dame de Paris, on comprend mieux les divergences de deux écoles, de deux tempéraments, de deux époques. Les qualités positives de l’une font ressortir les négatives de l’autre; les extrêmes du romantisme et du réalisme, du lyrisme échevelé et du mysticisme convaincu, se rejoignent ici pour justifier les réparations attentatoires de Violet-Le-Duc, là pour montrer le triomphe de l’art sur le document, d’un livre touffu et encombré sur les guides et les manuels, de l’analyse introspective sur l’éloquence et le drame sonores.

Toute la substance de La Cathédrale est, on le sait, dans un livre fort rare maintenant et riche de documents, d’intelligence et de piétisme: Description de la Cathédrale de Chartres (suivie d’une courte notice sur... etc), par M. l’Abbé Bulteau (Chartres, Gamier. Paris, Saguier et Bray, 1850 — in-8: 320 pages, 5 hors-texte), ouvrage sans éclat mais excellemment documentaire qui utilise, corrige, complète les travaux religieux précédents sur Notre-Dame de Chartres, de la Parthénie du bon S. Rouillard à ceux des P.P. Cahier et Martin, l’abbé Bourrassé, Lejeune et autres annalistes. Relever les emprunts nombreux et souvent même littéraux de Huysmans, est oeuvre d’exégète, de chartiste; qu’il suffise de rappeler seulement le matériel premier qui a servi d’ossature au livre de Huysmans. Cette charpente reconnue, Huysmans va y conduire son lecteur et la peupler, au fur et à mesure, d’hôtes qui vont l’éclairer, l’animer, y passer et renforcer la foi hésitante du personnage central.

S’il croit aux apparitions et aux vertus des lieux où elles furent signalées, il opine comme Saint Jean de la Croix ne pas aimer les pèlerinages des foules, d’où l’on revient plus évaporé. Il semblerait même, en ce qui concerne la description pure, rejoindre la défiance qu’a Tomas A’Kempis des sites: Imaginatio locorum fefellit; ce qui ne l’empêchera pont de décrire les lieux, mais surtout les constructions, les foules humaines sans se complaire aux tableaux. Cela promet les sévérités de son dernier livre. Aussi sera-t-il un pèlerin solitaire ou presque. Par transition, par artifice, il évoque magistralement, dans les premières pages, le rude paysage de NotreDame de la SaIette avec une foule larvaire gravissant péniblement les flancs arides de la montagne. Faut-il voir dans ces six pages, denses et de sa meilleure encre, une pointe indirecte, artiste, raffinée et fort sensible, contre Léon Bloy, en passe d’hypothéquer Celle qui pleure.., et par ailleurs toujours prêt à hurler après Folantin? Peut-être. Ainsi Huysmans part sur la route des dévotions mariales pour aboutir à Chartres par l’abbé Gévresin. C’est, vraisemblablement, un petit artifice pour animer des personnages dans le décor.

Ceux qui agissent dans La Cathédrale sont peu nombreux Durtal, l’abbé Gévresin, Mme Bavoil, l’abbé Plomb... Les comparses n’ont que des rôles épisodiques, encore qu’ils soient une résonance de certaines réalités; l’évêque, les vieillards, comiquement vêtus qui lui font cortège (1), les couvents, les bourgeoises de mauvais goût (« dans cette caste...se recrute la fleur des pharisiennes »), etc... Dans la même proportion où la réalité de Durtal, Gévresin et Bavoil, correspond à celle de Huysmans, le chanoine Mugnier et feue Mme Thibault l’auxiliaire du myste Boullan, on va identifier l’abbé Plomb à l’aide de conjectures, de semi-aveux, de souvenirs, de concordances qui valent autant que les similitudes précédemment établies et admises et qui aideront à mieux suivre une méthode de composition habile.

Si l’on avait demandé à l’auteur, si l’on demande à ces témoins, héritiers, commentateurs et modèles même: « Qu’y at-il de vrai dans La Cathédrale? », la réponse unanime eût été et demeure d’abord la même: « Rien et Personne. » On dira même et avec raison, que, pour décrire la Cathédrale de Charties, Huysmans n’a jamais habité la ville de Fulbert, de Nicole et de Marceau ; il y passa seulement entre un train du matin et celui du soir; on lui concède, tout au plus, une nuit, sans avoir pu, toutefois, préciser l’hôtel où il gîta. Soit! On aura peine à retrouver une ressemblance entre le poussif, rhumatisant et lourd Gévresin et le libéral, spirituel vieillard qu’est le chanoine Mugnier. Et cependant le droit du créateur est d’utiliser le réel et de l’idéaliser à sa façon; loin d’être photographe et bien que peu imaginatif, Huysmans, avec un type vrai, créait, en le déformant, en le pétrissant, dans son moule, le personnage tel qu’il devait servir à l’économie de son roman. On l’a démontré par les noms cités, et voici comment:

RENÉ-MARIE-RAOUL DE SAINTE-BEUVE
(Chartres, 7 novembre 1858 — Solesmes, 12 septembre 1933)
EST DEVENU DANS LA CATHÉDRALE L’ABBE PLOMB.

L’importance du personnage dans ce roman (si l’on veut), dans cette sorte de poème plutôt, est à l’échelle des autres, assez grande si l’on examine chronologiquement, artistiquement et spirituellement la sienne. Il n’est qu’à le suivre de page en page pour s’en rendre compte:

Gévresin d’abord excite la curiosité de Durtal sur Plomb:

« Un auxiliaire précieux, un prêtre très intelligent, très lettré, qui adore la musique, qui est très au courant de la cathédrale dont il raffole et dont il a scruté tous les coins... »

Et Durtal-Huysmans le décrit petit, jeune, pâle, un peu grèle, coiffé de cheveux coupés en brosse; le portrait est un peu comique qu’on retrouve avant et après la rencontre; « lunettes posées sur le nez avec le dessin de l’arc des deux jambes d’un cavalier en selle », « lunettes munies d’une arche sous laquelle descend le nez. »

Le rencontre a lieu; artifice ou réalité. Plomb y paraît comme un sacristain effaré « il baille à l’on ne sait quelles corneilles et il semble si mal à l’aise, si jean-jean, si gauche...et il serait un lettré!... » En effet, Huysmans excelle à décrire les gaucheries monacales et ecclésiastiques; voici Plomb qui... « salue à reculons, paraît gêné par ses mains, les fourre sous ses manches. » Bonne occasion pour Huysmans de lâcher une ferrade au clergé ignare et primaire: « Ce prêtre était très intelligent, très instruit et ce que plaisait peut-être plus encore, il n’était nullement asservi par ce manque d’éducation, par ces idées étroites, par ces futiles bondieuseries qui rendent l’accès des ecclésiastiques dans le monde des lettres, si difficile. »

Huysmans va justifier son brevet car, soit pour donner une raison au personnage ou pour remercier le modèle, le romancier en fait un initiateur car Plomb fait connaître le livre capital de Bulteau à Durtal dont ils feront l’un et l’autre le meilleur usage dialogué et souvent littéral, relevé par l’art du romancier. Décidément, cet abbé Plomb a bien travaillé; grâce à Bulteau en effet, toutes les saillies de Clairval, Saubinet, Félicie d’Ayzac vont être utilisées avec même lés allégories les plus enfantines de Durand de Mende. Habilement, les deux dévots feindront d’ignorer sur l’élévation l’autel à Isis, Démeter ou une autre déesse et accepteront avec béatitude la vierge qui doit enfanter.

Dans La Cathédrale, c’est encore l’abbé Plomb qui entreprend un cours de symbolique, donnera les interprétations mystiques des gemmes, des légumes, des couleurs. C’est le guide éclairé dans la cathédrale, dans la basse ville; en un mot, « c’est un compagnon savant et aimable »; il a vu dans la cathédrale de Berne un moulin mystique; il donne le sens du nervrum ou rhamnus; demande à Durtal de traduire les murs par les Evangélistes et propose dans une cathédrale idéale une chapelle à Saint Columban, patron des imbéciles; tout cela au cours d’une consultation sur un lexique végétal. C’est encore l’abbé Plomb qui présente le portail Nord, justifie les exactions de David. Progressivement il devient un ami aussi utile qu’informé; c’est à lui que Durtal confie son exécution des pays du sud et de leurs habitants « paysages encanaillés, indigènes bruyants et velus » (rejoignant, avec plus de violence, l’opinion de Barbey d’Aurevilly).

Ce rôle d’aide-mémoire et de guide serait de peu d’action dans la tessiture de l’ouvre si l’abbé Plomb ne montrait un goût très pur et très vif pour le plain-chant, n’était lui-même un ami de Solesmes, un enthousiaste de cette abbaye dont il loue les saints, s’il n’intriguait Durtal avec un voyage à la grande Abbaye, n’y signalait par avance le singulier scrutateur de la cathédrale beauceronne; enfin ne le décidait à y venir et, en définitive, ne l’y entraînait. Voilà de l’action: ce qui revient à dire avant L’Oblat, l’abbé Plomb prend une part décisive dans la vocation bénédictine de Durtal-Huysmans.

En réservant ce qui revient aux ressorts romanesques d’un récit sans action et aux mouvements de l’âme ce qui appartient aux flexions mystérieuses propres à changer ses résolutions, le rôle de l’abbé Plomb dans La Cathédrale n’est pas négligeable et le portrait n’est point assez déformé, arrangé, avantagé pour n’avoir pas eu son original dans le réel; c’est ce qui va s’imposer par les rapprochements suivants.


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René Marie Raoul de Sainte-Beuve, quoique né à Chartres, était d’origine normande et très probablement descendant de cette branche des Sainte-Beuve dont un docteur en théologie eut son moment d’autorité et de résolution pendant les disputes jansénistes du XVIIe siècle; cette branche est sans parenté avec la famille du critique des Lundis, d’origine picarde. (2)

Il fit son éducation religieuse à Saint-Sulpice, ce qui peut étonner quand on saura qu’il se spécialisa assez tôt dans la paléographie musicale. Prêtre en 1882, il est vicaire à Saint-Aignan de Chartes l’an suivant et passe eh 1886 à Notre-Dame de la Brèche, curieuse chapelle commémorative, élevée sur les anciens remparts. C’est là qu’il commence à épurer le chant et c’est là que Durtal rencontre l’abbé Plomb. Huysmans connut, fréquenta l’abbé de Sainte-Beuve; c’est un fait.

Le portrait physique de l’abbé Plomb est sans rapport avec celui de P. Sainte-Beuve qui était de taille élevée, vigoureux, la figure colorée et belle, digne de tenue, de marche dégagée, qui avait la voix grave et harmonieuse. Il était très simple de manières, très monacal d’habitude il lui arrivait fréquemment de venir en sabots à la cathédrale et d’y circuler en chaussons. Il ne craignait pas le froid, prenait des bains dans l’Eure, près de Notre-Dame de la Brèche, même l’hiver, et jouissait du respect de tous et de la notoriété des rares intellectuels de Chartres.

Synchronisme singulier si l’on y réfléchit, l’abbé Sainte-Beuve quitta le clergé séculier pour l’abbaye de Solesmes en 1900: La Cathédrale est de 1898. Huysmans avait-il eu ses confidences? Cela serait plus vrai que de croire à une impossible gageure du P. de Sainte-Beuve réalisant, après coup, le dénouement du romancier. Avec son ordre, il s’exila à l’abbaye de Quarr dans l’île de Wight et en Hollande et revint à Solesmes avec la communauté tout entière.

Si toutes ces conjonctures ne suffisaient pas à trouver dans le vrai prêtre le départ du vicaire imaginé, il resterait encore un autre moyen d’identification. Certes ce ne sera pas le témoignage de M. Lucien Descaves qui, en toute autorité, déclarera: « Il n’y a pas d’abbé Plomb, » puis, après une petite visite à l’honorable Gévresin-Mugnier, se demandera s’il n’y avait pas eu un P. de Sainte-Beuve à qui l’on pourrait penser. Justement, on y avait pensé. Mais comment? car l’imagination seule ne conduit pas à de telles déductions, pas plus que des pétitions de principe n’en éloignent. Voici: Un de ses catéchumènes, le bon peintre orientaliste, quoique chartrain, Henri Villain qui, intrigué très tôt par La Cathédrale, connaissant à la lettre son Bulteau, eut la curiosité de demander au Père de Sainte-Beuve lui-même si l’abbé Plomb...?

« Il n’y a pas d’abbé Plomb, » répondait toujours le modeste bénédictin, et il ajoutait:

« MAIS SI L’ABBÉ PLOMB EST UNE CRÉATION D’ARTISTE, UNE FICTION, JE NE PEUX NIER QUE DANS LES CONVERSATIONS DE DURTAL ET DE PLOMB, JE RETROUVE DES CONVERSATIONS QUE NOUS EUMES HUYSMANS ET MOI. »

Ce témoignage direct et vivant peut suffire. Il faut ajouter, pour sa vérification, que si le P. de Sainte-Beuve n’a eu aucune influence précise, réelle, sur la vocation bénédictine de Huysmans, c’est peut-être le romancier qui a deviné, suivi celle de l’abbé, car le Bénédictin est demeuré en relation avec le romancier. On sait même qu’ils se sont rencontrés à plusieurs reprises à Solesmes, rencontre pleine de résonances inexprimées, muettes, mais expressives tout de même.

En confrontant le rôle confié à l’abbé Plomb dans La Cathdrale avec le schéma esquissé ici de la vie honorable du modeste paléographe bénédictin, on ne peut douter de l’origine du modèle. Ceci peut-être réjouira les admirateurs du littérateur oblat: cette identification à quoi nul n’avait encore songé, satisfera les lecteurs avides de tout ce qui concerne l’évolution mystique de Joris-Karl. Ce n’est pourtant pas ce dessein que nous avons poursuivi directement.

Le littérateur ici, par ce petit détail, livre, avec son originalité stylistique, un de ses procédés de construction, un de ses moyens de créer, de transposer un personnage et d’emplir l’ossature d’un poème comme La Cathédrale. Ce n’est ici que l’ébauche d’une analyse plus complète à réaliser d’un livre d’art, d’un livre sur une oeuvre d’art merveilleuse, d’un livre sur une religion d’art, comme l’a défini avec justesse le païen Remy de Gourmont.


(Chartres-Paris, 1934-1935).

(1) On sait que cette foule bigarrée était composée des pensionnaires des Petites Soeurs des Pauvres, vêtus de toutes sortes de dépouilles.

(2) Une biographie du Docteur Jacques de Sainte-Beuve a été publiée par un Sainte-Beuve, magistrat à Paris, en 1865. L’historien de Port-Royal, très susceptible, profita de cet étalage de notairerie pour fouetter sans ménagements ces soucis de descendance.