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Revue Mensuelle, 25 novembre, 1867.



Beaux-Arts: Des paysagistes contemporains


Les peintres de paysage, me disait-on dernièrement, sont bien dégénérés depuis que l’Ecole hollandaise a porté ce genre de peinture à sa perfection. Sans absolument espérer que l’on voie jamais renaître des génies aussi lumineux que Ruysdaël, Berchem, Swanevelt Van Artois, Hobbéma et notre immortel Claude Gelée, qui ont compris le paysage comme Rembrandt les intérieurs sombres, qu’il illuminait d’éblouissants rayons, comme Brauwer les tabagies, Van Goyen la mer au repos, Van de Velde les flots en courroux, je ne puis croire qu’une des plus nobles branches de la peinture ne reverra plus poindre une ère nouvelle de gloire et de prospérité.

Les artistes hollandais ont prouvé à l’Exposition universelle qu’ils étaient bien les fils de ces grands maîtres dont la poussière des siècles n’a pu ternir les éclatants chefs-d’oeuvre. Et la France elle-même, bien que faible en ce genre, a présenté quelques tableaux qui ne déparaient pas la riche collection qu’elle a exposée.

Nous sommes d’ailleurs heureux de constater que si la France, dans cette lice courtoise, n’a pas, quant au paysage, été placée aux premiers rangs, elle n’en a pas moins vaincu, en d’autres genres, non seulement les Pays-Bas, mais encore tous ses autres rivaux.

Elle a notamment, en Meissonier, un successeur non dégénéré des plus heureux peintres de bambochades; Meissonier, a dit Arsène Houssaye, est un hollandais avec du style: on ne pouvait, à mon sens, faire en termes plus courts, un éloge plus complet et mieux mérité.

Je ne parlerai pas de l’étude du nu.

Peu de pays ont présenté des peintures de ce genre; peu d’ailleurs eussent pu produire des rivaux dignes de se mesurer avec Gérôme et Cabanel.

La peinture de paysage n’est pas morte en France, Courbet, Corot, Rousseau, Diaz et quelques autres ont témoigné qu’à défaut de talents hors-ligne, notre pays nourrissait des rejetons dont il avait à juste titre le droit de s’enorgueillir.

Je ne puis penser à M. Diaz sans me rappeler une discussion que j’entendis s’engager entre deux connaisseurs sur les oeuvres de cet artiste: c’est le dieu de la couleur disait l’un. — Le dieu de la couleur! s’écriait son interlocuteur indigné. — Aucun, répliqua l’autre, n’a dérobé aussi heureusement à Watteau son attrayant coloris; aucun n’excelle aussi bien que ce peintre à faire ruisseler le soleil dans les forêts, et a dorer les arbres qu’il dessine si bien.

Il ne nous appartient pas, dans ce léger aperçu, d’apprécier l’oeuvre de M. Diaz: nous nous bornerons à lui faire comme tout le monde, le reproche de ne pas daigner peindre ses personnages. Les figures apparaissent à peine, c’est une couche épaisse tirant entre le jaune de Naples et le rose. — Mais, me dira-t-on, les paysagistes ne sont pas tenus de reproduire avec talent les figures humaines : « Ruysdaël faisait bien peindre les personnages qui peuplent ses tableaux par Berchem, Wouwermans et Lingelbach ». J’en conviens: Mieux vaudrait alors que M. Diaz empruntât le concours d’un artiste distingué en ce genre, mieux vaudrait surtout qu’il se donnât la peine (il le pourrait, j’en suis convaincu) de descendre jusqu’à l’homme.


G. Huysmans